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multilingues précoces

Recueil d'articles et études sur les avantages d'une éducation bilingue ou plurilingue précoce.

98. Sciences et Avenir. Psychological sciences: Parler une deuxième langue changerait notre perception du monde

Parler une deuxième langue changerait notre perception du monde

Par Lise Loumé

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Être bilingue permet d'avoir une pensée plus flexible et influence ainsi notre manière de percevoir le monde, selon une nouvelle étude.

Depuis les années 1940, les chercheurs en sciences cognitives tentent de déterminer de quelle manière notre langue maternelle peut influencer notre vision du monde.C Mathieu.

BILINGUES. Les germanophones se concentrent davantage sur l'endroit où une personne se rend, et les anglophones sur son trajet. Et ainsi, les bilingues maîtrisant à la fois les langues anglaise et allemande, peuvent choisir l'une de ces deux stratégies, suivant la situation. Telles sont les conclusions d'une nouvelle étude parue dans la revue Psychological Science.

Depuis les années 1940, les chercheurs en sciences cognitives tentent de déterminer de quelle manière notre langue maternelle peut influencer notre vision du monde, explique la revue Science. Selon une étude parue dans PNAS en 2007, les russophones sont plus rapides pour distinguer les nuances de bleu que les anglophones. De même que les personnes parlant japonais ont tendance à regrouper des objets selon leur type de matériau, alors que celles parlant coréen rassemblent en priorité ceux qui s'emboîtent entre eux. Mais qu'en est-il des personnes bilingues ?

Pour le savoir, une équipe britannique a réalisé une étude sur 30 personnes dont la langue maternelle était soit l'anglais, soit l'allemand, et 30 bilingues (parlant à la fois anglais et allemand). "Plutôt que de se demander si deux personnes parlant des langues maternelles différentes avaient deux manières de "percevoir le monde", nous nous sommes demandés si deux manières de "percevoir le monde" différentes pouvaient co-exister au sein d'une seule et même personne", explique le psycholinguiste Panos Athanasopoulos de l'Université de Lancaster au Royaume-Uni.

GRAMMAIRE. Ils se sont en particulier intéressés à une différence notable entre l'anglais et l'allemand dans la description des événements. La langue anglaise possède des outils grammaticaux permettant de situer des actions dans le temps : "I was sailing to Bermuda and I saw Elvis" (que l'on peut traduire en français par : "j'étais en train de naviguer aux Bermudes lorsque j'aperçus Elvis") est différent de "I sailed to Bermuda and I saw Elvis" ("Je naviguais aux Bermudes lorsque j'aperçus Elvis"). Or la langue allemande ne permet pas cette nuance. En conséquence, les germanophones ont tendance à spécifier le début, le milieu et la fin d'un événement, alors que les anglophones se concentrent davantage sur l'action elle-même. En regardant la même scène, par exemple, les germanophones pourraient dire : "un homme quitte la maison et se dirige vers la boutique". Alors qu'un anglophone dirait simplement : "un homme marche".

Or cette différence linguistique influence la manière dont les locuteurs des deux langues voient les événements, expliquent les chercheurs. Pour parvenir à cette conclusion, ils ont demandé aux 60 participants de l'étude de regarder une série de clips vidéo montrant des personnes marcher, faire du vélo, courir, ou encore conduire. Dans chaque série, les chercheurs ont demandé aux sujets de juger si une scène comportant un objectif "indirect" (par exemple, une femme descend une route pour ensuite aller vers une voiture garée) était similaire à une autre, objectif pouvant simplement se résumer (une femme entre dans un bâtiment). Résultat : les germanophones ont associé une scène à l'objectif "indirect", à une scène pouvant simplement se résumer dans 40 % des cas en moyenne, contre 25 % des anglophones. Cette différence met en évidence le fait que les germanophones se concentrent davantage sur le résultat d'une ou plusieurs actions, et les anglophones accordent plus d'attention à l'action elle-même.

Quant aux bilingues (qui ont écouté les vidéos en deux langues), ces derniers semblent basculer d'un point de vue à l'autre, en fonction du lieu où ils se trouvent. En effet, les 15 Allemands parlant couramment l'anglais se comportaient de la même manière que leurs compatriotes dans leur pays d'origine. Mais ce même groupe a agi comme les Anglais lorsque l'exercice était effectué... au Royaume-Uni. Un effet simplement culturel ? Pour le vérifier, les chercheurs ont réalisé cette même expérience sur un autre groupe de 30 personnes bilingues allemand-anglais. À la différence près que les vidéos passaient d'une langue à l'autre.

VERDICT. Lorsque les participants bilingues entendaient la langue anglaise, ils réalisaient l'exercice comme la plupart des Anglais, et vice versa. Ces résultats suggèrent ainsi que la seconde langue parlée par une personne bilingue peut jouer un rôle important dans l'élaboration de la perception inconsciente, concluent les chercheurs. Selon eux, leur conclusion pourrait être valable pour l'ensemble des bilingues (et pas seulement ceux parlant l'anglais et l'allemand). "En parlant une autre langue, vous avez une vision alternative du monde, explique Panos Athanasopoulos. Vous pouvez écouter de la musique d'un seul haut-parleur, ou en stéréo... C'est la même chose avec la langue."

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