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multilingues précoces

Recueil d'articles et études sur les avantages d'une éducation bilingue ou plurilingue précoce.

32. Marie-Ange DAT, maître de conférence en science du langage à l'IUFM de l'Université de Nantes

Langues à 3 ans ? Oui mais...

16 février 2011

Entretien avec Marie-Ange DAT, Maître de conférences en sciences du langage à l’IUFM de l’Université de Nantes.

Quelle est la pertinence d’un enseignement précoce des langues dès l’école maternelle ?

  • Etre exposé précocément à une ou des langues est un vrai bénéfice pour les élèves. D’une part, comme l’ont montré de nombreuses recherches, l’immersion ou une situation de quasi bilinguisme développent les capacités cognitives dans tous les domaines. D’autre part, cela contribue à renforcer les compétences linguistiques, avec un fort avantage pour la correction phonétique. A noter que, contrairement à une idée reçue, la confusion que peut provoquer le mélange des langues n’est que momentanée (ou alors ce sont des difficultés d’une autre nature). Ce n’est pas non plus préjudiciable au processus de consolidation de la langue première, sous réserve qu’il s’agit bien ici d’apprentissage oral. Car pour l’écrit il faut d’abord le consolider dans la langue première avant de l’envisager dans une langue étrangère. Enfin c’est surtout sur le plan personnel que l’apprentissage précoce est le plus bénéfique car il permet à l’enfant d’entrer « naturellement »en empathie avec l’autre, avec l’étranger. Cette dimension est toujours mise en avant par les textes officiels et reste le premier objectif depuis plus de 20 ans. Quels sont les obstacles aujourd’hui d’un bon apprentissage à l’école ? Tout ceci ne vaut que si les élèves bénéficient d’une exposition suffisante. Or deux fois trois quarts d’heure dans les conditions actuelles, ce n’est pas possible. Viser les apprentissages suppose des enseignants qui aient des compétences à la fois linguistiques, pédagogiques et didactiques. Or, ceux-ci sont souvent victimes de leur manque de formation et se sentent mal à l’aise. C’est donc un problème de moyens humains mais aussi d’organisation des apprentissages. Certains pays, comme le Québec, ont modifié leur organisation scolaire : formes de bilinguisme, quasi parité horaire, autre répartition disciplinaire. Si l’institution en France n’est pas capable de changer, autant proposer un vrai éveil aux langues en le faisant bien, sans opposer éveil et apprentissages structurés. Ce sera moins contreproductif qu’un pseudoapprentissage qui laisse tout le monde (enfants, enseignants et parents), insatisfait.

On parle d’utiliser les TICE…

  • On ne peut pas tricher devant les élèves si on n’est pas compétent, et on sait que de nombreux enseignants n’ont pas les niveaux requis. Aussi l’institution avance l’alibi de l’outil qui pourrait faire ce travail. Or, cet outil ne sera efficace qu’en fonction d’une méthodologie. Les enseignants n’étant pas formés aux différentes méthodes d’apprentissage, on risque donc d’enseigner sans discernement, notamment avec un grand recours à l’écrit, ce qui va à l’encontre des processus d’apprentissages des langues. En effet on doit acquérir une structure à l’oral et quand elle est fixée, alors seulement, on passe à l’écrit. De toute façon on ne peut pas enseigner une langue qu’on ne parle pas soi-même. Les TICE, pourquoi pas ? Mais avec des enseignants qui ont une maîtrise de niveau de certification B2 ou B1, pas en-deçà, et toujours accompagnée des nécessaires compétences pédagogiques et didactiques. D’ailleurs les utilisations optimales des TICE sont toujours le fait d’enseignants compétents. Alors dire « l’enseignement précoce dès l’école maternelle avec les TICE », c’est encore de l’affichage. Cela permet de rassurer les parents face à des résultats d’évaluations internationales qui disent que l’on n’est pas bon en langues.

Il semble que le ministre parle surtout de l’anglais…

  • Quand Luc Chatel a parlé de l’anglais précoce, je crains que ce ne soit pas un lapsus et que nous allions vers l’anglais obligatoire. C’est contraire aux instructions qui proposent 8 langues, c’est contraire aux préconisations européennes et même françaises du ministère de la culture, concernant le développement de la diversité des langues et du plurilinguisme. Ce monopole ne sert que l’aspect économique et utilitariste de la langue au détriment de la dimension culturelle et de l’objectif d’une acceptation des diffférences. Que l’anglais soit appris systématiquement au collège, peut-être, mais pas à l’école élémentaire, encore moins en maternelle. Les enseignants devraient être libres d’enseigner la langue qu’ils maîtrisent. Et les parents le comprennent bien, notamment quand on échange avec eux sur l’éducation à l’altérité qui est tout aussi importante. Reste la question de la continuité de l’apprentissage. Là encore, plutôt qu’un anglais mal enseigné du CP au CM2, mieux vaut une discontinuité avec une année en allemand, une en espagnol… le travail en phonologie est perméable entre les langues. De fait, on ne peut pas continuer à décréter les langues alors que l’institution ne change pas son organisation, ne forme pas les enseignants et que de surcroît on supprime les intervenants en langues et même les animateurs ELVE.
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